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balias
7 février 2008

Interview : Le peintre Balias par Frédéric Vignale

Balias est un peintre majeur bien trop mal connu. Ce grec exilé en France au Château de Serans qui n’est autre qu’un palais italien trônant magnifiquement dans l’Orne a accepté de répondre à nos questions avec une grande générosité. Cet entretien permet de mieux connaître les motivations et l’univers de l’artiste, mais aussi et surtout sa grande exigence envers l’Art. Un témoignage unique et une rencontre forte où la couleur mène l’oeil et décide de tout.

                                                              

1. Balias, comment expliquez-vous que votre travail pictural, malgré son extrême originalité et qualité, soit si mal connu du grand public ?

Vous savez nous vivons dans une époque de consommation et l’Art est avant tout créatif. Or pour moi, l’Art doit être en dehors de l’époque ou du monde. Si une création parvient à être hors du temps, le public a davantage de mal à la comprendre, mais elle a aussi bien plus de chance d’être intemporelle et ainsi de perdurer. Le public, lui, préfèrera toujours plébisciter quelque chose qui est de la même époque que lui. J’ai la volonté, quant à moi, d’être hors du temps. Si j’avais décidé de faire une œuvre sur le Sport, sur le Football, je collerais bien plus à mon époque et aurais bien plus de reconnaissance, mais je n’ai délibérément pas fait ce choix.

2. Contrairement à une idée reçue partagée par beaucoup de gens, vous ne partez pas de la forme pour arriver à la couleur dans vos tableaux, mais vous faites l’inverse. Pouvez-vous nous expliquer cela ?

Si on symbolisait le monde de l’Art avec une ficelle, on aurait une ficelle qui a deux formes. Prenez la ficelle A et la ficelle B. A. produit des courbes et fait des formes, elle raconte un mouvement ponctuel, une mode... tandis que la ficelle B fait de tout son entier une ligne droite. La B offre une vision globale, pleine d’absolus, et en aucun cas une vision particulière. C’est cela qui m’intéresse, apporter à cette ligne vierge une couleur et une forme. Le Créateur véritable créait pour toujours et pas pour une époque bien définie. Je commence donc mon travail pictural par la couleur. C’est cette ou ces couleurs qui donnent l’impulsion à la forme, c’est la couleur qui rend visible l’abstraction. Je cherche la forme de la couleur et jamais l’inverse.

3. Comment êtes-vous arrivé à cette méthode de travail, quel a été le déclic pour arriver à cette manière de peindre le monde, si originale ?

Au commencement, comme tout le monde, en effet, je prenais la matière et je la colorais. Je faisais un humain et je mettais son esprit derrière. Aujourd’hui je fais totalement le contraire, je prends l’esprit et je lui donne corps. Quel a été le déclic ? Je me suis simplement rendu compte que j’étais extrêmement limité dans ma démarche première. C’est seulement maintenant que je touche du pinceau l’Infini.

4. Peut-on dire que ce travail-là, que vous mettez en place depuis des années, est extrêmement ambitieux par rapport au degré d’exigence de vos semblables ?

Pour moi l’Avant et l’Après n’existent pas. Ce qui compte pour moi c’est le Présent. Donc je n’ai pas d’ambition particulière pour le futur. Je ne m’occupe que du Temps présent, même si je sais qu’il est inscrit entre un passé et un futur. L’Art est visuel, en dehors des contingences du Temps. Si quelque chose est en mouvement, on ne peut pas la capter correctement. Je m’attache donc à voir la stabilité de mon présent de la manière la plus juste qui soit par rapport à mes propres exigences.

5. De quelle(s) manière(s) utilisez-vous le monde pour nourrir vos diverses créations ?

Pour obtenir la stabilité dont je parlais précédemment, il faut savoir que la peinture est nourrie par le mouvement extérieur. Et moi je communique avec les deux. Je trouve mon équilibre créatif entre la vision de la stabilité et la compréhension que j’ai du monde. Au départ, j’étais comme un immense livre vide. Un livre oui, mais désespérément vierge ; et petit à petit, je remplis les pages grâce au monde extérieur que je capte avec mon œil particulier. Je sais que la Création est impossible sans le concours des autres.

6. Est-ce que la réception de votre œuvre vous intéresse ?

Evidemment. Je ne suis qu’un boulon d’une énorme mécanique. Je ne suis qu’un messager, qu’un ambassadeur d’une globalité et ai grandement besoin du regard des autres. Je me dois de faire quelque chose de positif pour l’ensemble. Si je ne réussis pas cela, mon existence n’aura servi à rien. J’ai besoin d’être et de me sentir utile au sein de ce monde, c’est très important pour moi.

7. Vous êtes grec, vous vivez en France et parlez avec un accent très prononcé. Quelle place à la langue dans votre vie, comment vous placez-vous par rapport à elle ?

Si je ne parle pas, si je ne m’exprime pas par le langage, je passe ma vie à essayer de comprendre. Et le plus important c’est que la langue m’aide à comprendre la vie. Mais je ne fais pas d’effort particulier pour mieux parler français, j’ai le même rapport à la langue qu’avec l’argent. La langue est pour moi un moyen et jamais une fin.

8. Arrivez-vous, malgré votre grand degré d’exigence, à être satisfait de votre travail ?

Je suis toujours satisfait, mais toujours j’exige l’exigence. Mais il faut bien se rendre compte que la finition d’une œuvre est le commencement d’une autre. Si on veut vivre dans l’Infini, d’une manière ou d’une autre, il faut être exigent avec soi-même et les autres.

9. Comment a évolué votre travail vis-à-vis de la matière depuis toutes ces années vouées à votre Art ?

Si on cherche la Matière, il y a deux manières pour la connaître et l’apprivoiser. La Multiplication et la Division. Pour moi l’Artiste connaît la matière avec la Multiplication et pas la Division. La Division je la laisse aux Sciences. Pourtant il faut bien se rendre compte que les deux mènent à l’Infini. J’ai fait mon choix mais on sait bien que l’indivisible et le total finissent pas se rejoindre.

10. Cher Balias, comme de coutume, je vous laisse le mot de la fin...

La réponse à la phrase de la réponse c’est qu’il n’y a pas de réponse. Pourquoi ? Parce que s’il existe quelque chose on se demande toujours d’où ça vient. La question implique toujours une autre question. Donc il n’y a pas création possible. Tandis que dans la Création, il n’y a pas de questionnement stérile. Et dans ma recherche artistique, je cherche le Rien qui précède l’existence.


"Portrait subjectif de Balias" par fv

Balias porte en son allure ce qu’il est intrinsèquement et qu’il offre à la contemplation des autres sans souci de plaire ou de convaincre, sans mondanité et sans artifices aucuns.

Un mélange subtil et original de raffinement, d’élégance extrême mais aussi de charme brut, naturel et sans fard. Le peintre, l’artiste, le sculpteur, l’expérimentateur de la matière déambule dans un monde dans le monde, un univers parallèle qu’il a créé à son image. L’Atelier Balias est devenu le prolongement de son corps, de son cortex et de son âme. Un théâtre ouvert sur le monde, un tableau vivant.

Il règne sur cette cosmogonie avec nonchalance et autorité, ne cachant pas sa part féminine et dirigeant avec bienveillance les opérations avec sa faconde méditerranéenne et son hyper créativité.

Balias l’épicurien est à la fois hors du monde et actif pour la cité toute en entière en faisant œuvre pour le Beau, le Bon, le Positif. Son travail est associé au Temps présent et il le dépassera, il revêt, en son sein, une valeur universelle.

Comprendre Balias, c’est envisager l’homme et sa création comme une entité commune, indivisible. Balias est un créateur total qui vit par et pour son Art.

Illustration : Autoportrait de Balias, 2005, 40 X 50 cm

Propos recueillis par Frédéric Vignale

                                                                                                                   le 01/09/2006                                                              

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